Euthanasie : écoutons les professionnels, réfléchissons aux conséquences
L’interview donnée à France 3 Champagne-Ardenne, le 3 avril dernier, par le médecin-gériatre Eric Kariger, apporte un éclairage fondamental sur la question de la fin de vie et de l’euthanasie. La place accordée à ces spécialistes et professionnels, – qui vivent au quotidien les enjeux de la vie et de la mort (Eric Kariger a notamment été le médecin en charge de Vincent Lambert), – nous semble insuffisante dans le débat public national. L’occasion pour la fédération Reconquête ! Marne d’exposer ses positions sur la question de l’euthanasie et d’apporter ses réponses aux bouleversements anthropologiques majeurs qui se dessinent.
Le premier enjeu de cette problématique a trait au rapport de notre société à la mort. Dans la lignée des propos du Docteur Kariger, nous pensons que la mort ne doit pas être appréhendée comme comme "un scandale, pour ne pas dire une faute". Le rapport à la mort doit être intégré dans une éthique publiquer et collective et non limité à un choix individuel à "mourir dans la diginité". La médecine n'a pas vocation à supprimer la mort, au contraire, les sciences, la connaissance, permettent à l'Homme de comprendre la mort comme étape de la vie : " Si vous n'avez pas appris à mourir, vous n'avez rien appris ; la vie est tout entière une école de préparation à la mort." (Montaigne, Les Essais, livre III, chapitre 12).
L’euthanasie intègre un retournement anthropologique fondamental car il remet en cause l’interdiction de tuer. Les exemples de nos voisins l’ayant légalisé doivent nous éclairer sur les effets de ce retournement. Ainsi, d’un cadre législatif initialement restreint (autorisation de l’euthanasie pour les personnes condamnées sans espoir de guérison), la Belgique a autorisé les malades psychologiques à recourir à l’euthanasie, le Canada a ouvert l’accès à l‘euthanasie aux personnes handicapées, tandis que les Pays-Bas connaissent un quadruplement des euthanasies depuis que la loi a été mise en place. Cette évolution est consubstancielle à la logique sous-tendant l'euthanasie, qui est celle du respect de la volonté des individus. En effet, pourquoi respecter la volonté d'un mourant et non celle d'une personne atteinte de troubles psychiatriques qui souhaiterait mourir ?
C’est donc la question de l’accompagnement et de l’aide des personnes fragiles, âgées et de leur famille qui constitue le cœur de notre engagement contre la légalisation de l’euthanasie. Comment ne pas voir que ce qui est vanté comme la liberté laissée à l’individu de choisir le moment de sa mort, se réduira dans la pratique à l’incitation à choisir la mort pour ne plus représenter une charge pour ses proches ? Comment ne pas craindre, comme nous le signale le Docteur Kariger, que « demain, dans une démocratie qui devient plus fragile, on sélectionne des vies qui seraient dites dignes et d’autres qui ne les seraient pas » ? Face à l’abandon des services publics hospitaliers par l’Etat, l’urgence est à consacrer les moyens nécessaires à l’application de la législation Claeys-Léonetti, afin de garantir un droit d’accès réel aux soins palliatifs pour tous, et non à créer les conditions légales d’une pression sociale sur les personnes dont la dignité serait jugée suffisamment dégradée pour les autoriser à mourir, ; pression qui s’exercera avant tout et de manière beaucoup plus tangible sur les plus défavorisés d’entre nous. Une grande loi sur la dépendance et l’hôpital est requise afin de contrer l’effondrement du système hospitalier, laissé à l’abandon par la puissance publique depuis trop longtemps. Lorsque 97 % des malades et 85 % des soignants s’opposent à la légalisation de l’euthanasie, la parole des concernés doit être entendue et portée dans le débat public, c’est la tâche que se donne Reconquête !
« Avec la force de notre fragilité, nous vous demandons pour le bien de tous : ne poussez pas les plus fragiles à la désespérance, au suicide ou à l’euthanasie. Protégez-les d’une prétendue liberté de mourir qui les presserait de quitter notre société. Réaffirmez le droit de chacun d’être aidé à vivre et jamais à mourir. Alors la société que nous construirons ensemble sera plus humaine. Aidez-nous à vivre, pas à mourir. » (Philippe Pozzo di Borgo).
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